Conférences

Confiance : le changement de paradigme

Conférence du 6/10/2015

Souffrance et vulnérabilité

SensÉvidence | Bouddha

La souffrance. C’est le signal d’alarme de notre conscience d’être humain… de notre vulnérabilité à la vie.
La tradition bouddhiste parle de l’éveil de Bouddha : « il sait tout sur tout »… et  pourtant il a un moment de doute sur le message qu’il veut transmettre aux êtres humains, ses frères.

Finalement il se lance et décide de parler dans son premier enseignement de la souffrance. Bouddha dit en substance : « nous les humains, parce que nous sommes humains, nous allons souffrir. Nous n’avons pas le choix de souffrir ou non. Notre choix est le rapport que nous aurons avec cette souffrance « .

Pourquoi Bouddha dit cela ? Ca ne parait pas une approche susceptible d’enchanter les foules !

Je vous propose quelques théories :

Le poids de nos dépendances

Nous sommes l’espèce des Homos Sapiens Sapiens. C’est à dire des animaux qui portent le nom d’Hommes (homo) qui pensent (sapiens) et qui savent qu’ils pensent (sapiens + sapiens). C’est à dire des « machines » à apprendre.  Apprendre, ça veut dire s’adapter, faire un effort constant : première cause de souffrance. Et ce qui est étrange, c’est que si vous n’ apprenez pas, ou pas assez : vous souffrez quand même! D’ennui cette fois-ci … Vous n’êtes pas en train de faire ce que vous êtes sensé faire en tant qu’individu de l’espèce humaine.

Nous sommes aussi la seule espèce du monde animal créée avec une aussi grande dépendance aux autres. Un bébé naît du ventre d’une mère (en général) après 9 mois de gestation. Mais quand il sort du ventre de sa mère, il n’est pas « fini » sur le plan neurologique. Il va mettre encore 9 mois de plus pour que son cerveau grandisse et devienne mature. Pendant ce laps de temps le bébé est totalement dépendant. Ensuite pendant de longues années il le restera à l’égard de ses parents ou de ceux qui en tiennent lieu. Pour survivre, le bébé va devoir recevoir de l’attention, ce sera vital pour lui. En grandissant, cette attention vitale va porter un autre nom : l’amour. Ne pas recevoir cette « came » quand on est adulte ça fait mal, très mal même.

« L’enfer c’est les autres » … mais que j’ai tellement besoin de l’Autre, de sa reconnaissance ou de son amour. Alors, comment ne pas en souffrir ?

Le poids de la société

Nous sommes aussi une espèce qui vit dans un environnement social très complexe, très codifié mais dont la raison du code s’est souvent perdue avec le temps.

Claude Lévy-Strauss raconte que pendant son séjour en Amazonie il rencontre une tribu qui vit comme au néolithique. La tribu vit au bord d’une rivière d’eau potable et poissonneuse, dans une forêt qui pourvoit amplement aux besoins alimentaires du clan. « Le problème qu’ils ont, dit Lévy-Strauss est qu’ils ont 16 heures de veille par jour, mais besoin de 2 heures au maximum pour se nourrir et se préserver. »  Ça ne poserait pas de problème s’il était des animaux, mais voila, ce sont des homo sapiens sapiens, ils ont un besoin vital d’occuper leur temps de façon constructive, l’ennui les tue.

Alors ils inventent : ils imaginent un dieu des oiseaux et un dieu des rivières qui les empêche de chasser et pécher à certain moment. Ils inventent un dieu obscur qui ne peut être repoussé que par des cérémonies déguisées qui donne naissance à un véritable art des parures et masques. Il faut 3 jours pour un groupe de guerrier aguerri pour aller chercher dans les entrailles de la terre le champignon brûlé qui protégera la tribu de la fureur du dieu du feu. La tribu est très occupée, certains membres sont prêts a mourir, être sous un stress intense sous l’emprise d’un tabou… Lévy-Strauss relève que notre société n’est guère différente. Que nous-mêmes et nos enfants stressons et souffrons pour l’atteinte d’objectifs qui ne relèvent que d’une foi commune et largement inconsciente dans une certaine cohérence de notre monde. Si cette cohérence vacille, comme elle vacille franchement dans cette période de changement, beaucoup des « obligations de la tribu », des principes éducatifs à transmettre se vident de sens. Et un être humain en manque de sens….ça souffre !

Le poids de notre humanité

Nous avons également un problème avec la finitude : la mort. Les humains savent dès 4 ans qu’ils vont mourir. C’est une angoisse très forte. Non pas tant la mort elle-même, mais celle de disparaître, d’avoir « vécu pour rien ». La souffrance existentielle est celle qui reste quand les autres s’apaisent.

Nietzsche propose « Imagine que l’on vient de t’annoncer que tu as un cancer, que tu vas mourir dans 6 mois. Que ferais tu à ce moment de ta vie ? Continuerais-tu à vivre celle que tu as car elle a du sens ? Ou te rendrais tu compte que tu n’as plus que 6 mois pour vivre une vie véritablement vécue ? Qu’est ce qui compterait vraiment pour toi ? « Quand notre temps s’achève ; qu’est ce qui nous donnera confiance dans la place que nous avons dans ce monde ?

Contre la recherche du bonheur en tant que fin

Je ne crois pas à la recherche du « bien être », du bonheur, sinon ponctuel. Plutôt la Joie : un moment d’intense présence souvent provoquée par le relâchement du contrôle sur soi. Les larmes du deuil, l’orgasme, la défécation, la joie de voir apparaître un nouveau né, l’extase spirituelle, ou de ne faire qu’Un avec les éléments naturels.

Je crois qu’il y a une vraie acceptation à voir des règles du jeu. Des principes qui sous-tendent notre présence sur terre.

Quand ces principes sont acceptés, ils ne restent qu’à les vivre avec sa vulnérabilité personnelle sur tous les plans : matériel, émotionnel, intellectuel et spirituel.

Les bouddhistes disent aussi : « un cœur est fait pour être brisé ». c’est une recherche fondamentale pour qui cherche la confiance. Confiance qui veut dire étymologiquement « acceptation de ma vulnérabilité ». Et in fine, c’est une clé pour celui qui veut vivre le changement, c’est-à-dire VIVRE SA VIE.
SensÉvidence | Bouddha

Quatre clés de la confiance

Je crois qu’on peut arriver à une confiance solide dans :

  • Notre harmonie interne que certains nomment estime de soi mais qui parle d’abord de notre autonomie, le développement de notre capacité a être maître à bord de nous même.
  • Notre propre capacité d’apprentissage: Pour progresser, il faut savoir ce que l’on veut, il faut ensuite avoir le courage de le dire ; il faut enfin avoir l’énergie de le faire dit Georges Clemenceau.
  •  Notre relation à l’Autre, dans la balance fragile entre l’ouverture et la défense de soi, entre la puissance de jouir et vulnérabilité personnelle.
  • Notre place dans le monde , ce qui justifie pour nous-mêmes notre présence au monde : Si je rencontrais dieu, je lui demanderais qu’elle est le point de départ de tous ça, le reste n’est que mathématique. Non, en fait je lui demanderais pourquoi l’univers existe, comme ça je saurais pourquoi j’existe dit Albert Einstein.

Ces 4 zones, ces 4 thèmes, peuvent être enseignés, travaillés sur le plan personnel. Il représentent la base de mon travail.

Cedrick Fromont
7 octobre 2015